Chalk River et l’IGDPS : Nos préoccupations

Garde-rivière des Outaouais se prépare à présenter ses commentaires sur le projet d’installation de gestion des déchets nucléaires à Chalk River. Dans ce blogue, nous étayons nos arguments afin de permettre au public de mieux comprendre les enjeux de ce projet.

Garde-rivière des Outaouais présentera bientôt ses préoccupations relatives au projet d’installation de gestion des déchets près de la surface (IGDPS) à Chalk River. Mais que dirons-nous exactement? Ce sujet devient très compliqué très rapidement; nous voulons simplifier nos points de préoccupations et nos recommandations afin d’être mieux compris par la collectivité.

En février dernier, nous avons publié un article relatant l’historique du problème des déchets nucléaires au site de Chalk River mettant en contexte le projet d’IGDPS et soulignant à quel point cette année s’avère importante pour l’avenir des projets à cet emplacement. On propose l’IGDPS comme solution à long terme au problème des déchets nucléaires à Chalk River. Avant sa construction, l’installation doit être autorisée par la Commission canadienne de sûreté nucléaire (CCSN), l’organisme gouvernemental de réglementation du nucléaire au Canada.

Le 11 avril, nous avons envoyé notre présentation écrite à la CCSN. La présentation comprend les rapports de deux experts consultés par Garde-rivière des Outaouais afin de déterminer l’impact du projet sur le bassin versant, notamment sur la rivière, les écosystèmes aquatiques et l’eau potable. Nous aurons l’occasion d’exposer ces enjeux lors d’audiences sur la demande de permis qui se tiendront le 30 mai.

Si vous souhaitez aller au fond des choses, le texte intégral de la présentation est disponible ici (en anglais), mais vous trouverez ci-dessous le portrait d’ensemble des principaux sujets de préoccupation

Il est important de noter que d’autres groupes présentent des préoccupations qui vont au-delà de notre champ d’expertise qui est l’eau. Nous avons choisi de mettre l’accent sur ce thème en raison de notre mandat et de la présence d’autres groupes qui ont étudié d’autres aspects du projet; cela ne signifie en rien que Garde-rivière des Outaouais ne partage pas ces autres préoccupations.

Voici quelques termes utiles à garder en mémoire!

AcronymeDéfinition
CCSN – Commission canadienne de sûreté nucléaireL’organisme gouvernemental de réglementation du nucléaire au Canada
IGDPS – Installation de gestion des déchets près de la surfaceLe nom de l’installation de stockage des déchets nucléaires proposée
LNC – Laboratoires Nucléaires CanadiensLa société qui exploite le site de Chalk River
LCR – Laboratoires de Chalk RiverLe nom officiel et l’entité juridique pour les laboratoires à Chalk River
MCA – Monticule de confinement artificielUn terme pour la principale composante de l’IGDPS où les déchets seront stockés
PRM – Petit réacteur modulaireUn nouveau type de réacteur nucléaire présenté comme une source d’énergie verte
CAD – Critères d’acceptation des déchetsLes règles régissant à quel niveau de radioactivité les déchets sont acceptés dans une IGDPS

Usine de traitement des eaux usées

L’un des principaux problèmes d’une installation de gestion des déchets près de la surface, comme son nom l’indique, c’est d’être près de la surface et exposée aux éléments. C’est en fait un site d’enfouissement haute technologie pour déchets nucléaires dangereux. Bien que des améliorations aient été apportées pour limiter l’exposition des déchets aux précipitations, cela demeure une considération importante si l’installation est construite. Par conséquent, le projet a besoin d’une usine de traitement des eaux usées pour traiter les précipitations et le ruissellement exposés aux déchets confinés.

L’un de nos experts a particulièrement étudié l’installation et comment on prévoit l’exploiter. Bien que, selon ses conclusions, le procédé de traitement fonctionne en théorie, plusieurs aspects du projet semblent faibles. On pourrait facilement les renforcer pour offrir une meilleure protection de nos cours d’eau et de notre eau potable.

Les procédés décrits dans le projet d’IGDPS suffisent à la tâche sur papier, mais ils reposent sur certaines hypothèses difficilement contrôlables. La principale est que l’on présume que seuls des déchets de faible activité seront contenus dans le monticule (plus à venir là-dessus). En outre, le procédé n’a été testé que pour certains types de contaminants. Cela représente un grave problème si le procédé ne fonctionne pas complètement comme prévu – il n’existe aucun plan d’urgence si les niveaux excèdent les valeurs anticipées.

Notre expert a par conséquent recommandé que le projet ajoute d’autres composantes à l’usine de traitement des eaux usées afin de couvrir pour tout défaut imprévu ou mauvais calcul. Notamment, un procédé appelé osmose inversée. Il s’agit d’une option standard de traitement des eaux adoptée partout dans le monde; elle implique une technologie bien comprise, même si elle requiert plus de formation et de précautions de la part des opérateurs. Toutefois, l’ajout de l’osmose inversée pourrait accroître de façon importante la confiance du public dans le projet, particulièrement pour ceux qui se préoccupent de la fuite potentielle de matériel radioactif dans les plans d’eau locaux.

Surveillance continue

Notre recommandation suivante concerne la surveillance de l’installation et du site en général. Bien qu’il existe un plan pour un programme de surveillance, nous croyons qu’il n’est pas maintenu assez longtemps. Nous croyons qu’il serait assez simple de mettre le projet à jour pour y inclure un régime de surveillance plus robuste. En outre, les programmes de surveillance doivent inclure un comité indépendant pour évaluer et réviser le programme de surveillance afin que celui-ci demeure centré, efficace et à jour pour la durée de la phase post-fermeture de surveillance. Tous les résultats associés à la supervision et aux programmes de surveillance de l’IGDPS doivent être accessibles au public.

L’expert qui a étudié cette question se préoccupe également que d’autres types de déchets puissent être enfouis dans l’IGDPS et que le programme de surveillance ne soit pas outillé pour les traiter convenablement. Bien que la surveillance se concentre évidemment sur les déchets nucléaires et les risques qu’ils posent, les déchets enfouis contiendront aussi fort probablement des substances chimiques. Ces substances proviendront des résidus de la recherche médicale, et d’autres projets qui ont été menés au site de Chalk River depuis sa création. Ces matières ne se décomposent pas de la même manière que les déchets nucléaires et pourraient ainsi s’avérer aussi puissantes – et dangereuses – en cas de déversement accidentel. Le programme de surveillance doit par conséquent inclure des façons de détecter ces polluants possibles, afin d’assurer la sécurité des utilisateurs de la rivière.

L’emplacement de l’IGDPS

Une autre question que nous avons à l’œil depuis longtemps et que nos experts ont également étudiée est celle de savoir pourquoi on a choisi précisément cet emplacement. Bien que notre expert croie que le projet a tenu compte des difficultés du site, la question demeure de savoir dans quelle mesure on a étudié d’autres options.

L’emplacement ayant été choisi, à l’évidence, en raison de sa proximité avec les déchets qui y seront enfouis, on a artificiellement limité l’étude d’autres emplacements possibles au site de Chalk River. C’est ainsi que les responsables du projet se sont vu imposer ce que notre expert appelle une « géologie défavorable », ce qui a mené à de nombreuses solutions technologiques à des problèmes qui n’auraient pas été présents sur un autre site. Aurait-on pu trouver un meilleur emplacement si on avait élargi la recherche?

Consultation auprès des communautés autochtones

Les communautés algonquines du bassin versant ont demandé d’être consultées et de participer au processus de façon significative. Des demandes ont été formulées afin que ces audiences soient reportées pour permettre ce processus. Garde-rivière des Outaouais tient à réitérer son soutien aux communautés algonquines du bassin versant qui ont réclamé des consultations significatives dans ce processus de prise de décision.

Réglementation et supervision

La dernière préoccupation que nous désirons soulever est la plus importante. Elle concerne la réglementation actuelle et le rôle de la CCSN à titre d’organisme de réglementation dans l’autorisation de ce projet. Nous souhaitons que la CCSN puisse faire de son mieux pour protéger nos cours d’eau et nous sommes donc troublés par certaines incohérences du projet que l’on pourrait facilement corriger avant d’accepter la proposition.

Rappelons-nous que l’un des problèmes posés par l’usine de traitement des eaux usées est l’hypothèse que seuls les déchets de faible activité seront inclus. Les critères pour déterminer à quel niveau d’activité les déchets seront enfouis dans le monticule sont donc quelque peu préoccupants. Bien qu’ils soient techniquement dans les normes juridiques pour le Canada, ils sont au maximum possible pour ces normes. Cela signifie que toute déviation par rapport aux niveaux attendus les placerait au-dessus des niveaux acceptables. Généralement, un projet comme celui-ci adoptera une norme plus conservatrice afin de s’assurer que les niveaux sont suffisamment faibles.

Le tritium sera l’un des contaminants potentiels de l’installation. Le tritium est une version radioactive de l’élément d’hydrogène qui se mélange facilement à l’eau. Une fois dans l’eau, il est pratiquement impossible de l’en retirer. Dans un autre exemple de normes troublantes, celles pour le tritium sont actuellement au seuil admis pour le déversement dans l’environnement et non pour la salubrité de l’eau potable. L’effluent de l’usine de traitement des eaux usées se déversera dans le lac Perch ou dans une zone d’exfiltration près de l’IGDPS. Le lac Perch n’est pas une source d’eau potable, d’où la justification de permettre un seuil si élevé pour un effluent qui ne relève pas des normes pour l’eau potable. Or, le lac Perch finit par se drainer dans la rivière des Outaouais qui est une source d’eau potable pour environ 5 millions de personnes.

Lors des audiences, nous encouragerons la CCSN à revoir certaines de ces dispositions du projet qui semblent échapper au bon sens, si l’organisme de réglementation cherche à obtenir les meilleures protections possibles pour la rivière des Outaouais.

Conclusion

L’IGDPS est en cours d’élaboration depuis longtemps et, comme nous et nos experts l’avons découvert, le projet s’est énormément amélioré depuis la dernière version proposée. Toutefois, de sérieuses questions relatives à la protection de nos cours d’eau demeurent, et Garde-rivière des Outaouais fera tout en son possible pour exprimer ces préoccupations le 30 mai. Nous voulons que la CCSN – l’organisme de réglementation – rende des comptes et explique comment la sécurité du public et celle de l’environnement sont prises en compte. Nous voulons des assurances que les meilleures protections possibles pour notre rivière et les résidents seront en place, si le projet va de l’avant.

One response to “Chalk River et l’IGDPS : Nos préoccupations”

  1. Camil Rouleau dit :

    Ce projet d’IGDPS est très inquiétant. J’ai écouté de documentaire de découverte à ce sujet et il semble évident que déchets radio-actifs et eau ne vont pas ensembles.